Sumba est l’une des
provinces les plus pauvres d’Indonésie. Les interventions des
programmes gouvernementaux et de l’aide internationale modifient
constamment la structure traditionnelle de l’île. Certains
changements paraissent désirables : toits en tôle ondulée
pour remplacer les toits d’alang-alang, tombes en béton plutôt
qu’en pierre. Mais beaucoup reste inchangé. Les poneys de Sumba et
les buffles d’eau restent essentiels à l’agriculture. Les
festivals et les traditions sont encore profondément ancrés dans la
communauté sumbanaise. Et … L'île de Sumba … est le dernier lieu au monde où l'on construit encore couramment des mégalithes à vocation funéraire (extrait de : Christian Jeunesse, Mégalithes du monde).
Les remarques suivantes ne
sont qu’un petit aperçu de ce qu’est vraiment Sumba. Vous
pourrez trouver de plus amples informations à
la page
Liens.
Histoire
Il y a désormais deux sites préhistoriques à Sumba. On a découvert le squelette d’un homme de très grande stature et une large cruche en argile à
Melolo, tous deux aujourd’hui exposés à Jakarta. Une plaque est
affichée près du poste de police de Melolo, là où ils ont été
découverts. Et à Lambanapu, à la périphérie de Waingapu, on a
trouvé cinq squelettes et plusieurs cruches en argile en 2017. Les
deux datent de l’époque paléolithique, il y a entre 2800-3500
ans.
Ce que l’on sait de
l’histoire primitive de Sumba se fonde sur des histoires transmises
de génération en génération. On ne trouve de rares documents
écrits qu’à partir du XVè siècle.D’après
la tradition, le nom de Sumba serait dérivé de Humba : Rambu,
ou Madame Humba, était la femme d’Umbu, ou Monsieur Walu Mandoku,
un des chefs d’une des premières tribus à s’être installées
sur l’île. Il voulait faire passer le nom de sa femme bien aimée
à la postérité en nommant l’île ainsi. Les premiers habitants
sont arrivés par bateau et ont accosté sur la pointe nord, Tanjung
Sasar, où ils ont fondé le village de Wunga. Le nom Humba était
employé jusqu’à l’époque coloniale. Les Hollandais ont nommé
l’île Soemba dans leur langue.Selon la religion marapu,
les premiers hommes ne sont pas venus par bateau, mais descendus des
cieux par une échelle à la pointe nord, Tanjung Sasar, où ils ont fondé le village de Wunga.Quoi qu’il en soit,
Sumba a toujours été une île isolée. Habitée par plusieurs
petits groupes ethnolinguistiques, Sumba avait sa propre
civilisation. L’île était divisée en de petits clans et
royaumes, chacun ayant leurs propres coutumes, structures sociales et
cérémonies du cycle de vie, dont la naissance, le mariage et la
mort.Au quatorzième siècle,
Sumba faisait partie de la dynastie javanaise Majapahit. Lorsque
celle-ci s’est effondrée, Sumba est passé sous le règne de Bima
à Sumbawa, puis de Gowa au Sulawesi ; des changements
politiques qui n’ont eu que peu d’impact sur la vie quotidienne
des Sumbanais, plus influencée par les guerres intestines entre
clans et petits royaumes au sujet des droits à la terre ou des
accords de commerce. Dans ces clans, les guerriers ramenaient les
têtes de leurs ennemis vaincus dans leurs villages et les
enfonçaient sur des « arbres à têtes » (Andung) au
milieu du village. La croyance voulait que les têtes apporteraient la prospérité et une bonne récolte au village. On pratiquait aussi le kidnapping et l’esclavage entre clans. Les esclaves étaient parfois vendus aux îles voisines. À cause de ces guerres et de ces attaques, on construisait les villages sur les collines et les montagnes, et on les entourait d’une muraille de pierre par mesure de protection. Malgré leur hostilité, les villages dépendaient l’un de l’autre économiquement : les villages de l’arrière-pays cultivaient du bois, du bétel, du riz et des fruits, alors que les villages côtiers fabriquaient de l’ikat et d’autres textiles, produisaient du sel, pêchaient et faisaient commerce avec d’autres îles. Les îles alentour considéraient
Sumba comme une île très violente.Aujourd’hui, on peut
encore voir des arbres à têtes et des crânes dans certains
villages, près du Rumah Adat. Il arrive encore de nos jours que les
Sumbanais brûlent les maisons ou les villages d’autres clans et
tribus ethniques. Ces dernières années, au moins trois villages marapu
ont été partiellement détruits ainsi. On m’a raconté que
récemment quelqu’un a arraché le foie d’une personne pour lui
ôter son âme (car c’est là qu’elle réside) et l’a mangé.
Colonisation
Les premiers bateaux
portugais sont arrivés en 1522. Initialement, les Hollandais, qui
plus tard deviendraient les colonisateurs de l’Indonésie, ne
prêtaient guère attention à Sumba car ils n’y voyaient que peu
d’intérêt commercial. De plus, son morcellement en une multitude
de petits royaumes faisait qu’il était dur d’avoir un réel
impact sur l’île. Les Hollandais ne découvrirent la valeur du
bois de santal qu’au XVIIIè siècle. Ils commencèrent
alors à s’ingérer à Sumba. En 1756, un traité fut signé entre
la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (VOC) et certains
nobles sumbanais. De larges quantités de bois de santal furent
abattues et exportées et on commença à appeler Sumba « l’Île
de Santal ». La déforestation transforma le paysage en de
vastes savanes et prairies arides.À partir de 1866, Sumba,
ou en néerlandais Soemba, fut intégré formellement et légalement
aux Indes néerlandaises. En 1906, les troupes hollandaises
envahirent Sumba parce que les guerres de clans perturbaient le
commerce colonial. En 1913, la Hollande établit un vague système
d’administration civile à Sumba. Mais les structures sociales
sumbanaises ne changèrent que très lentement. Les tentatives de la Hollande de renforcer son pouvoir et son influence sur Sumba finirent souvent en conflits sanglants.
Le chemin de l’indépendance
Sumba fut occupé par le Japon pendant la Seconde Guerre mondiale, de 1942 à 1945. Les Japonais voulaient se servir de Sumba comme base d’une invasion de l’Australie, dont elle est proche : à vol d’oiseau, seuls 700 km d’océan les séparent. Partout au Sumba oriental, des restes des installations japonaises sont encore visibles. Autour de Melolo, on trouve des chaînes entières de bunkers le long de la côte, un terrain d’aviation (converti en terrain de football), et l’ancien centre de commande de style colonial (désormais un centre de conférence de l’Église évangélique). Les Sumbanais disent que la domination japonaise fut plus brutale que celle des Hollandais. Les Japonais désertèrent Sumba lorsque les Australiens débarquèrent à Kalala, au sud de l’île.La nouvelle de la
déclaration d’indépendance de Sukarno en 1945 n’atteignit Sumba
que six mois plus tard. Cinq ans plus tard exactement, le 17 août
1950, l’Indonésie prit le contrôle de Sumba ainsi que d’autres
îles de l’est indonésien. Sumba fut alors intégrée à la
province de Nusa Tenggara Timur (NTT).Le gouvernement indonésien
conserva telles quelles les structures et les liens claniques anciens
de Sumba, si bien que les familles dirigeantes d’antan sont
aujourd’hui encore les riches et les puissants de l’île. Les
clans depuis longtemps régnants purent ainsi continuer à exercer
leur pouvoir. Ce contexte a donné lieu à une flambée d’émeutes et
de massacres à Waikabubak en 1998.
Le mode de vie traditionnel
Du fait de la situation
géographique isolée de l’île et de ses ressources économiques
limitées, la langue, la religion et la culture traditionnelle de
Sumba ont été préservées, du moins dans les campagnes. La vie
quotidienne des habitants est plus ou moins le miroir leur vie
religieuse traditionnelle. On a donc plus de chances de trouver la
religion traditionnelle dans les villages traditionnels. Un
villageois qui se convertit à une autre religion est en quelque
sorte un villageois qui tourne le dos à son village.On peut voir que la
tradition est encore forte à Sumba à l’assez large part de la
population qui porte des vêtements traditionnels dans la vie
quotidienne ; une part qui est plus importante au Sumba
occidental qu’à l’est. Pendant les festivals ou à l’église,
les gens aiment porter la tenue traditionnelle, même s’ils sont en
jean le reste du temps.Les hommes portent un
sarong court (Hinggi) autour de la taille et une ceinture avec une
épée (et un téléphone portable). Ils ont la tête couverte d’un
bandeau ou turban tissé ou en ikat orné de motifs figuratifs. Dans
l’est de Sumba, leur couvre-chef est noir avec des motifs colorés,
à l’ouest, il est le plus souvent bleu.Les femmes ont de longs
sarongs et portent aussi un bandeau, mais les motifs sont différents.
Elles laissent pousser leurs cheveux et les entourent autour de leur
tête. Après la naissance de leur premier enfant, les femmes se font
parfois tatouer les bras ou les jambes, comme marque de leur statut.
Autrefois, on avait coutume de s’aiguiser les dents.À
Sumba, une famille se comprend comme un clan (Kabisu), et inclut ce que nous considérons nous comme des parents éloignés. Parmi eux,
on fait la distinction entre la famille de sang et la famille par
alliance. Les membres de la première obtiennent automatiquement
leurs droits au sein de la famille, alors que les autres les
acquièrent par la création d’un lien émotionnel. La
responsabilité de tous envers la famille est vue comme un grand bien
social.La définition de la
propriété ou de l’appartenance diffère souvent de la nôtre. Par
exemple, l’argent gagné en travaillant à Bali est considéré
comme appartenant à la famille. Ma maison n’est pas forcément à
moi, mais à ma famille. Mon enfant n’est pas nécessairement mon
enfant biologique. Si le mari ne peut avoir d’enfant, la famille
trouvera peut-être quelqu’un d’autre pour aider. À l’inverse,
s’il n’y a pas d’héritier mâle, le buffle de la veuve peut
devenir mon buffle, et ce n’est pas considéré comme un vol !
Enfin, la moto que je loue appartiendra évidemment à la famille
chez qui je réside – et ils l’utiliseront souvent.Chaque mariage entraîne
une modification de la constellation familiale, ou l’établissement
de nouveaux liens avec un autre clan. Il y a divers problèmes de
politique familiale.La plupart des Sumbanais
vivent dans le village ou la région où ils sont nés. Les femmes
vivent souvent dans le village de leur mari.
Le village traditionnel ou Kampung Adat
Traditionnellement, les
Sumbanais construisent leurs maisons et leurs villages sur les
collines et les montagnes, pour se protéger de leurs ennemis et se
rapprocher des esprits et des ancêtres. Ils entourent leurs villages
d’une enceinte de pierre avec deux portes : l’entrée et la
sortie. Au milieu du village, il y a une cour avec des tombes et des
autels sacrificiels (Kateda). Les maisons, (souvent) avec leurs hauts
toits pointus marapu, sont soit positionnées en cercle autour de
cette cour, soit arrangées en deux rangées parallèles.En général, les gens
d’un même village appartiennent au même clan. Si le clan est trop
grand, le village peut être divisé en plusieurs villages séparés.
Il arrive parfois que deux clans partagent le même village : on
peut les reconnaître à leur nom double. Chacun des clans y vit dans
sa propre zone, clairement démarquée. Pour chaque clan, il y a une
maison clanique (Rumah Adat). Il s’agit de la demeure des esprits
ancestraux et on y garde les objets de culte du clan. Les Rumah Adat
se trouvent généralement au milieu du village, et ne sont pas
construits comme les maisons des vivants. Ils sont le symbole de la
présence de dieu ou des Marapu dans le village et on ne peut y
entrer qu’avec la permission du clan.Les
maisons traditionnelles ont une structure en bois. Les piliers
inférieurs sont cerclés d’anneaux faits de bois ou de pierre qui
symbolisent « Lingga » et « Yoni », les
aspects sexuels de la vie, et servent de symbole de fertilité. Mais
il est possible qu’il s’agisse surtout d’une protection contre
les parasites. Les piliers représentent les points cardinaux. Le
foyer au milieu de la maison est un symbole du soleil.Normalement, les toits traditionnels sont faits d’alang-alang ou, dans les régions côtières, des feuilles en éventail des palmiers de Palmyre. Mais de nos jours, on trouve plus souvent de la tôle ondulée, surtout là où le vent peut être fort. Les toits traditionnels durent rarement plus de cinq ans. Dans certains coins touristiques, les autorités locales subventionnent l’utilisation de matériaux de construction traditionnels. Mais là où les gens construisent des maisons entièrement neuves, on n’utilise vraiment que de la tôle ondulée au lieu de l’alang-alang.Toutes les maisons n’ont
pas un toit pointu, comme on peut en voir sur les brochures touristiques sur
Sumba. Ce n’est pas vraiment nécessaire. Sans doute que les coûts
comptent aujourd’hui plus que la tradition.L’origine
des habitants joue aussi un rôle. Par exemple, les maisons des
immigrants sur les côtes n’ont généralement pas de toit pointu.
Les villages sont construits selon l’architecture typique des Bugis
aux couleurs vives. Il y a aussi les maisons savunaises, dont la
structure imite celle d’un bateau inversé, avec proue, poupe et
cabine.Les hauts toits pointus
ont aussi un avantage physique : leur effet de cheminée permet
de bien refroidir la maison, et les fumées de cuisine y sont
aspirées comme par une hotte. Mais ils sont parfois victimes de la
foudre ou de cuisiniers imprudents. Des maisons et parfois des
villages entiers sont souvent détruits par le feu (Kadengar en 2009,
Ratenggaro en 2012, Sodan en 2016, Tarung en 2017, Deke en 2020, Waidimu et Hale Kadangar en 2021, Wainyapu en 2022). Quelle que soit
la forme de leur toit, les gens ont très peur du tonnerre. On voit
souvent des vieux pneus de moto sur les toits, car on pense qu’ils
protègent de la foudre. Je reviens plus loin sur d’autres causes d’incendie.
Les murs et le sol sont faits de bambou tressé. Souvent, on tresse des motifs sur les murs. Au Sumba oriental, certaines maisons ont des murs en peau de buffle. Les murs et le sol des maisons plus récentes sont faits de planches de bois, et les murs sont souvent peints.Une maison traditionnelle comporte trois étages. Chacun est un symbole : le sous-monde (Uma Dalu) sous la maison, où vivent les animaux, le monde des hommes (Baga) où résident les vivants, et le monde spirituel (Labu Baga)
où vivent les dieux et les ancêtres et où on conserve les objets
de culte et les réserves. Les étages représentent les relations
harmonieuses entre homme et dieu, selon la foi marapu. La maison
n’est donc pas seulement un lieu d’habitation mais aussi une
sorte d’unité sociale et cérémonielle.
De ce fait, la construction des maisons s’accompagne de rituels. Lors de la cérémonie d’inauguration, les voisins immédiats de la maison apportent des poulets au Rato, le chef spirituel de la communauté, qui détermine, en examinant leur foie, si la maison est bien protégée des orages et de la foudre, et prédit la santé et le bien-être futurs de ses résidents. Le sang de poulet recueilli lors du sacrifice est versé dans les fondations des piliers porteurs. Tous les hommes du village aident à la construction de la maison.Au sein de chaque village
ou dans ses environs, vous trouverez des tombes mégalithiques
typiques de Sumba. La taille et le style des tombes individuelles
varient selon l’importance de la famille. Vous trouverez plus
d’informations sur le sujet au chapitre Tarik Batu.En
général, les villages sont très simples. La prospérité d’un
village ne se mesure pas à ses maisons ou à leurs équipements, mais
au nombre de buffles, de chevaux, de vaches, de cochons, et plus
récemment de motos.Avec l’augmentation de
la population et donc l’élargissement des villages, il n’y a
souvent pas assez de place sur les collines pour tout le monde.
L’influence du monde moderne montre qu’il est logique de vivre
près des champs ou des routes. Il y a donc de moins en moins de
villages traditionnels. Certains villages sont installés à moitié
sur la montagne et à moitié sur la plaine. Il y a aussi des
villages ou seul le Rumah Adat réside encore sur la montagne, et les
villageois ont entièrement déménagé sur la plaine. Enfin il y a
les « nouveaux villages » construits par le gouvernement
et, dans les régions moins productives, des maisons isolées.Le village comme centre de
la vie perd aussi de son importance à cause de l’attrait des
villes et du commerce d’objets occidentaux qu’on ne trouve pas
dans les villages. Et puis on trouve du travail en dehors du village.
Les enfants finissent l’école primaire et vont au lycée en ville.
Certains travaillent déjà à Bali ou en Malaisie et ramènent de
l’argent au village. Un changement de valeurs rapide est en route.
Les structures sociales
Autrefois, Sumba avait un système social composé de nobles, de paysans,
et d’esclaves (Maramba, Kabthu et Ata). Ce système n’existe plus que de nom et
n’a plus de réelle fonction dans la société indonésienne. Toutefois, les
familles issues de la noblesse tendent à être riches encore aujourd’hui. Les
gens qui travaillent pour ces familles parlent d’eux-mêmes comme étant des
esclaves. Un individu qui se distingue de manière positive dans la nouvelle
société peut conserver son titre de noblesse.
Parce qu’il n’y a pas
eu de réforme agraire à Sumba, la noblesse détient encore une
large part de la campagne. Les nobles ont le pouvoir de décider qui
peut ou non acheter des terres. Récemment, un projet d’hôtel à
Mambang par des investisseurs étrangers a pu ainsi être évité.
Mais la plupart d’entre eux vendent. Cela enrichit encore plus
cette partie de la population et creuse les écarts sociaux.Par le passé, il y a eu
des cas où des villages se sont déplacés dans des régions qui ne
leur appartenaient pas, mais personne ne s’en est plaint. Ou alors des
gens venus d’autres îles se sont installées et ont fondé des
villages sans demander la permission. Maintenant que la terre
acquiert une valeur marchande, ces villages posent parfois problème
pour les propriétaires, ce qui donne lieu à des tensions sociales. On brûle alors quelques maisons ou des villages entiers en guise d’avertissement.
Le prix de la fiancée
coûte cher mais est essentiel. Il fait partie de la culture
sumbanaise, mais pas de celle des immigrants comme les Bugis ou les
Savunais. Cela dépend de la culture ou du clan auquel on appartient.
En revanche, ce n’est pas une question de religion. On paie le prix
de la fiancée avec des chevaux, des buffles et des cochons. Ces
derniers temps, le vol de bétail a considérablement augmenté du
fait du prix de la fiancée. La pauvreté, surtout dans l’ouest de
Sumba, force les gens à voler le bétail nécessaire dans les
districts centre et est de Sumba. La réduction des stocks d’animaux due aux maladies animales comme l’ASFV et le surra entraîne une hausse des prix et aggrave la situation. De nos jours, on peut remplacer un
bon cheval par une moto. De nombreux hommes qui n’ont pas les
ressources nécessaires vont désormais chercher des femmes sur
d’autres îles où les familles ne demandent pas de prix de la
fiancée. À l’inverse, il y a de nombreuses femmes non mariées à
Sumba. Le prix de la fiancée n’est en aucun cas exigé par la loi.
S’il n’est pas ou qu’en partie payé, la dette se transmet
alors sur des générations. Les anciens du clan et parfois même
des avocats veillent à la bonne tenue des comptes entre les
familles.Bien que les femmes jouent
un rôle important au sein de la famille et bien qu’elles
contribuent très largement au revenu familial en vendant leurs
produits agricoles sur les marchés, leur statut social est assez
bas. Dans la vie quotidienne, il faut répartir les tâches. Pendant
les événements officiels, elles ont au moins leur mot à dire. Les
mariages sont autorisés à partir de 14 ans. Aujourd’hui, ils sont
en partie arrangés, suivant la tradition et les coutumes. La
polygamie est tolérée comme avant, mais à cause du prix de la
fiancée, seuls les riches Sumbanais peuvent se permettre de la
pratiquer. Dans certaines régions, les femmes n’ont pas de droit à
la propriété.Les
poneys de Sumba sont une marque de statut. Dans les zones rurales,
ils restent un important moyen de transport. Et ils sont moins chers
que les motos. Les Sumbanais sont très bons cavaliers. Ils
apprennent à monter à cheval dès l’enfance et une fois adultes,
ils continuent à s’entraîner dès qu’ils le peuvent. Ils
exposent leurs talents lors d’événements équestres et pendant la
traditionnelle Pasola. En ville, vous verrez souvent des hommes
paradant fièrement sur leur cheval, comme on le fait nous en voiture
de luxe. Ils aiment aussi se rencontrer le soir sur la plage pour
papoter, monter à cheval et bichonner leurs montures. La nouvelle
tendance se tourne vers les gros chevaux, comme dans les pays riches.Malgré les efforts de
nombreux missionnaires chrétiens, environ un tiers de la population
de Sumba vit et reste très établie dans le monde des Marapu.
La foi marapu
Il y a plusieurs
explications à l’origine du nom Marapu ou Merapu, la plus probable
étant que ce serait une combinaison des mots Mar et Apu, qui
signifient « le grand-père en tant que créateur » et
« la source de la vie ». Marapu est un terme collectif
désignant toutes les forces spirituelles, dont les dieux, les
esprits et les ancêtres. Le plus important enseignement de la foi
marapu est la croyance en la vie limitée dans notre monde et en la
vie éternelle après la mort. Mourir veut dire passer dans le monde
des esprits, le « paradis des Marapu », ou « l’univers
des Marapu » (Praing Marapu). Les esprits des ancêtres ne
meurent jamais et veillent sur les vivants. Les rituels et les
cérémonies sont conçus pour maintenir un lien pacifique avec les
Marapu. Tant que les cérémonies se font bien dans les règles, les
Marapu accordent des bénédictions, telles que de bonnes relations
avec les voisins et la famille, la santé, une bonne récolte, etc.La foi
marapu a des éléments animistes, spirituels et dynamiques,
clairement visibles pendant les cérémonies. L’élément magique
des rituels influence la foi et crée une connexion avec les esprits,
qui ont un rôle crucial. D’après l’enseignement marapu, il
existe un équilibre d’énergie vitale universelle à travers
lequel on peut atteindre le bonheur. L’équilibre est symbolisé
par « Ina Mawolo » (mère de l’existence) et « Ama
Marawi » (le père de la création). Ina Mawolo et Ama Marawi
vivent dans le ciel, sous la forme de la lune et du soleil. Dans la
mythologie, ils étaient homme et femme et ont donné naissance aux
ancêtres des Sumbanais.Les Marapu sont parmi nous
en permanence et peuvent s’incarner dans des objets symboliques en
pierre, en bois, dans un arbre, une montagne ou, s’ils ont de
mauvaises intentions, dans la foudre ou un crocodile. Pour honorer
les Marapu, les Sumbanais créent des images ou des statues à visage
humain dans lesquels s’installent les Marapu. La plupart de ces
statues sont placées sur les autels érigés au centre du village.
On y dépose des offrandes.Les
petites offrandes marapu se composent de « sirih pinang ».
Le bétel sirih est le symbole de l’homme, la noix de bétel pinang
le symbole de la femme, la feuille de bétel représente le lien qui
les unit et la chaux grasse la terre où ils poussent. Lorsque l’on
mâche ces éléments, ils deviennent rouges et symbolisent alors le
sang ou la vie. Le sirih pinang est partie intégrante de presque
tous les rites et cérémonies. C’est aussi le minimum à apporter
au chef du village en tant que visiteur, en signe de respect.Les grandes offrandes sont
les sacrifices d’animaux, par exemple de poulets, de cochons et de
buffles. Répandre le sang des animaux sacrificiels symbolise la vie,
la réconciliation avec les Marapu et la bonne récolte. N’importe
quel sang versé à terre rend le sol fertile.
Les chiens sont une exception : ce ne sont pas des animaux sacrificiels, mais ils peuvent être mangés lors de rituels dans un but de purification, ou être offerts comme don comestible au sein des familles. Au centre de Sumba, on offre un chien et une lance au père de la promise lors des fiançailles.
Le Rato
est le chef spirituel de la communauté. Il peut prédire dans le
foie des animaux ou les intestins de poulet le destin des individus, le
succès des récoltes, l’arrivée d’événements importants, etc.
Cela lui permet d’entrevoir l’avenir ou la raison des choses. Ces
prédictions sont une partie essentielle des cérémonies marapu.Le Rato a aussi un rôle
important à la naissance d’un enfant. Il prie une liste choisie de
noms traditionnels jusqu’à ce que le cordon ombilical cesse de
saigner. C’est ainsi qu’on trouve le nom de l’enfant. Ceci
explique la récurrence de certains noms parmi les croyants marapu.La foi
marapu n’a pas de temples ou de lieux spécifiques d’adoration ou
d’office religieux. La dévotion se fait là où s’écoule la
vie. Cela peut être dans un coin de la maison, dans un champ ou au
milieu du village. Mis à part les jours de fête déterminés par le
cycle de vie ou les événements naturels, il n’y pas de temps de
prière spécifique ou de « dimanches » marapu.
Il n’existe pas de trace
écrite de la doctrine marapu. Il n’y a pas de liturgie déterminée.
Tout se transmet oralement, de génération en génération. Les
enseignements sont généralement transmis de mémoire par le biais
de versets saints.Les nouveaux Rato ne sont
pas forcément les descendants de leurs prédécesseurs. Si la
communauté villageoise estime qu’un descendant n’est pas digne
de représenter leur religion, elle élit un nouveau Rato. En outre,
chaque famille a un « Ketua Adat », un représentant de
la coutume ou un doyen de la famille. On peut le considérer comme un
assistant du Rato. En cas d’élection, il a le plus de chance
d’être choisi comme nouveau Rato.
Les différences régionales (les différentes histoires)
se sont développées à travers la tradition orale et l'interprétation
personnelle de chaque intervenant. En fin de compte, on ne sait pas exactement
quelle est l’authentique version de cette religion. Par le passé, c’était
d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle la foi marapu, comme d’autres
religions naturelles, étaient déconsidérées. Ce n’est qu’en 2017 que la
religion marapu a été reconnue par l’État comme religion indépendante. Cela ne
veut toutefois pas dire que l’État en accepte les rites
Dans les campagnes, la croyance marapu est encore très répandue, et on trouve surtout les nouvelles religions dans les villes. Comme il n’existe pas d’écrits du contenu de la religion marapu, on peut se demander combien de temps cette tradition va pouvoir survivre. Qui voudrait devenir Rato dans une telle situation de nos jours ? Ainsi, dans certains villages, le Rato n’occupe plus vraiment une position religieuse importante, mais plutôt un rôle formel dans l’administration. Il devient alors une sorte de représentant culturel. Ceci renforce encore l’importance du Ketua Adat.
Les
Églises chrétiennes et l’Islam s’abstiennent de se prononcer contre
l’enseignement marapu. Ils tolèrent ou du moins ferment les yeux sur les
sacrifices d’animaux et
les rites non conformes à leur propre doctrine. Aujourd’hui, l’État se
concentre davantage sur le prosélytisme massif des églises chrétiennes que sur
les enseignements marapu.
Si quelqu’un vous pose
une question sur « votre livre », il n’est pas question
du Lonely Planet, mais de la Bible ou du Coran.
L’ikat
Le tissage de l’ikat est
pratiqué principalement à Florès, au Timor et à Sumba, où il a
atteint son plus haut raffinement. Ici, c’est autant un culte
qu’une culture. Les centres de ce type de tissage sont l’est et
le sud-est de l’île. Pour les Sumbanais, l’ikat est d’abord
une tenue traditionnelle de la vie de tous les jours. Mais il a aussi
une valeur rituelle en tant qu’objet d’échange pour les
mariages, les cérémonies marapu et comme linceul : les corps
des personnes de haut rang peuvent être enveloppés de plusieurs
étoffes d’ikat.L’ikat de Sumba est
exposé dans les musées de par le monde comme un exemple de
conception textile de la plus haute qualité. Les motifs de l’ikat
sont liés à la tradition et reflètent le village dans lequel le
tissu a été fabriqué. Dans l’ouest de Sumba, on tisse beaucoup
de motifs géométriques, dans l’est, on l’orne de décorations
figuratives, comme des scènes de la vie de village, des animaux et
des créatures mythiques. Ces figures ont une signification
historique ou religieuse.Contrairement
au batik, l’ikat n’est pas teint une fois fini, mais chaque fil
de chaîne est teint séparément avant d’être encastré sur le
métier à tisser, qui consiste en un cadre de bambou. Selon le motif
désiré, les fils sont noués ou enveloppés de ficelles, puis on
les teints et ceux qui étaient enveloppés sont protégés de la
couleur. C’est de là que le procédé tire son nom, ikat veut dire
ficelle ou ruban.L’ikat authentique est
encore fait avec des teintures naturelles. La couleur bleue est tirée
de l’indigo, le rouge d’un mélange d’écorces et de racines de
mengkudu (nono ou pomme-chien). Le mélange du rouge et du bleu
donne, selon l’intensité des deux couleurs, du marron, du violet
ou du noir. Certains tissus d’ikat peuvent aussi avoir du jaune,
tiré de l’écorce d’un arbre appelé kayu kuning. Une fois
teints, les fils sont encastrés sur le métier à tisser et fixés.
Les possibles déviations du cadre, les imprécisions lors de
l’installation, les différents niveaux d’absorption et les
variations de pression sur les fils causent le léger défaut
d’alignement typique des motifs de l’ikat.La
complexité du processus de fabrication de l’ikat en fait un tissu
précieux. Autrefois, seuls les membres de haut rang des clans
pouvaient se le permettre. À présent, la production a été
simplifiée et en partie mécanisée, ce qui explique pourquoi les
très vieilles œuvres d’ikat atteignent des prix spéciaux de
collectionneurs.Dans l’atelier de Rambu Chiko (anciennement Ama Tukang) à Waingapu, vous pourrez voir une large palette d’ikat et
observer le processus de fabrication (plus d’informations à la
page Achats). Il faut absolument vous montrer la différence entre les colorants naturels et les couleurs produites chimiquement.
Partout à Sumba, les
femmes tissent. Il y a une large gamme de produits tissés. Parmi
eux, il y a parfois des produits qui ressemblent à de l’ikat, mais
n’ont pas été produits selon le processus de fabrication
originel. Ils sont délibérément conçus pour sembler réels et
tromper les acheteurs.
Coutumes et traditions
Salutation :
au sein de la famille, et si on ne s’est pas vus depuis longtemps,
on se salue à la manière traditionnelle en se frottant où
se
touchant le nez. Cette coutume, en touchant ainsi l’endroit par
lequel on respire, symbolise le fonctionnement de la vie humaine.
Lorsqu’on se frotte le nez ainsi, il faut comprimer ses lèvres de
manière visible, en glissant la lèvre inférieure sous la lèvre
supérieure. En signe de tristesse ou de profonde compassion, on peut
aussi se toucher le front. Lors d’occasions solennelles, on se
salue ou se remercie aussi en suivant ce rituel. Il vient à
l’origine des immigrants de Savu, et s’est intégré à la
coutume sumbanaise au fil des siècles. En tant que touristes, vous
devez suivre les coutumes de salutation, mais les locaux doivent
toujours prendre l’initiative.Participation
aux festivités : si vous n’avez pas été invités
à l’avance, on vous demandera si les hôtes veulent que vous
participiez à la célébration. Il est impoli de refuser une
invitation. Les gens aiment que vous preniez pleinement part à la
cérémonie. On vous demandera parfois de mettre des vêtements
traditionnels et on vous prêtera l’équipement adéquat. Si on
vous offre de la nourriture, par exemple de la viande sacrificielle,
il ne faut surtout pas refuser. En tant que figure dominante ou
qu’étranger, on vous donne souvent la préférence.Sourire : le mot merci n’existe pas dans les langues sumbanaises. Tout
appartient à la famille ou à la communauté. Prenez ce que vous
voulez, dans la mesure du raisonnable. On vous montrera par le
sourire si ce que vous avez pris est acceptable.Caractéristiques
corporelles : Les commentaires sur l’apparence des
autres peuvent avoir une signification différente par rapport à
chez nous. Quelques exemples : gros = vous vous portez bien,
vous prenez bien soin de vous ; mince = vous n’allez pas bien,
vous devez travailler dur ; blanc = vous n’avez pas besoin de
travailler au soleil ; …Gestes
considérés comme agressifs :
- croiser
les bras sur sa poitrine
- mettre les mains sur les hanches
Règles
générales en Indonésie :
- on sourit sans arrêt
- la main gauche est considérée comme impure
- ne montrez jamais votre plante des pieds à une autre personne
- lorsque vous croisez quelqu’un, inclinez-vous légèrement en
gardant votre bras doit le long du corps (jamais la main gauche)
- roter pendant les repas est bien
vu ; se curer le nez, les oreilles ou les dents est tout à fait acceptable
- ne passez jamais au milieu d’un groupe de gens, contournez-les
- tout ce que vous offrez, par exemple de l’argent, va au
propriétaire (en général le membre le plus âgé de la famille),
et s’il est mort à sa veuve, puis à la génération suivante
- les motards ont le droit de saluer de la main
gauche (parce que la main droite doit rester sur le guidon), dans
l’idéal, levez votre main du côté droit de votre tête